La société liquide - Umanz (2024)

Des sociétés ultra individuelles, dominées par la consommation, la fragilité des liens et l’impermanence…

Le concept de société liquide a été inventé et décliné dans les années 1990 par le sociologue et philosophe Zygmunt Bauman professeur à la London School of Economics, dans sa suite d’ouvrages dédiés au concept de liquidité : la modernité liquide, l’amour liquide, le présent liquide, le temps liquide et le mal liquide.

Lors d’une Conférence des Bernardins dans le cadre du cycle de l’observatoire de la modernité, les philosophes Elisabeth Geffroy et Timothée Gautier, sont revenus sur les caractéristiques de la société liquide et l’incroyable vitalité et prescience du concept dans nos sociétés contemporaines.

1- La société liquide est une nouvelle forme de société qui consacre l’érosion voire la liquéfaction des Institutions “solides” et souveraines (politiques)

2- Elle donne lieu à un nouveau mode de vie émancipé des contraintes traditionnelles souvent réservé à une élite qui prône contre la stabilité issue des “sociétés solides”, le mouvement perpétuel, le précarité, l’extra-territorialité et le nomadisme .

3-En ce sens, la société liquide et les nouvelles puissances économiques et financières mènent une guerre “contre l’espace” et “contre la localité”. Selon le Philosophe Timothée Gautier “La guerre contre l’espace est un désengagement des contraintes territoriales et des responsabilités qui en découlent”.

Le tout, au nom d’un plus grande fluidité et rentabilité des capitaux “sans préoccupation économique, sociale ou écologique.”

4-Cette liquéfaction économique et cette victoire sur l’espace est accentuée par les technologies numériques qui renforcent son processus de compression spatio-temporelle.

5- Contre la fidélité et l’engagement, la société liquide consacre aussi les nouveaux départs permanents et la satisfaction dans l’éphémère et, contre la solidité des liens ou de la pérennité, une culture du déchet

6- Des sociétés liquides émergent une nouvelle hiérarchie sociale où la mobilité et la fluidité sont les nouveaux critères de positionnement sociaux.

La société liquide oppose en ce sens, “Les mondiaux” et les “Locaux” (“the rest”) de plus en plus “dépossédés du sens de l’existence dans un monde dont ils ne maîtrisent pas les règles”.

7- La mobilité devient le principal facteur de stratification sociale de l’ère moderne. Et l’extra-territorialité est pour les élites mobiles l’accomplissem*nt car elle représente un affranchissem*nt de tous les obstacles physiques voire existentiels autrefois érigés par la société solide.

8- Selon la Philosophe Elisabeth Geffroy : la société liquide liquéfie la vie collective et individuelle en s’opposant à tout ce qui demeure, ce qui tient, ce qui résiste.

Les formes sociales ne parviennent plus à cet attribut de fixité qui leur permettrait d’être un facteur de stabilité : “Elles se décomposent avant même de solidifier”.

9- Le changement permanent génère une insécurité latente et permanente “où à la moindre seconde d’innattention il risquent d’être exclus sans appel du grand jeu moderne”.

Le surplus de peur des individus va donc se fixer sur des objets de substitutions dans les objets de consommation.

10- Selon Zygmunt Bauman L’insécurité latente reconfigure les espaces urbains et crée des zones artificielles, une raréfaction des lieux communs, des “îlots de similarités” et des villes factices comme la Défense : “Ce quartier qu’on admire de loin mais qu’on ne visite pas.”

11- La liquéfaction de l’idée de communautés se reflète dans la désaffection du politique incapable de faire croire à ses promesses et à sa maîtrise des forces de la liquéfaction.

13- La société liquide ne célèbre plus les héros mais les célébrités dont la multiplicité des images, la fréquence des apparitions et le remplacement permanent constituent des nouveaux facteurs de lien social.”

Ils ont des attributs qui conviennent parfaitement à la société liquide car, souligne Elisabeth Geffroy : “l’assemblée de leurs adorateurs peut être dissoute à tout moment”.

14- La société liquide est celle du mouvement perpétuel où l’éphémère et le nouveau ont pris le pas sur le durable. Elle engage désormais l’individu avant tout comme consommateur. Dans ce nouveau monde la capacité à consommer définit le statut social. La consommation exalte un désir qui n’atteint jamais son point d’aboutissem*nt et le consommateur est maintenu en état d’insatisfaction permanente : “Un consommateur satisfait est la pire des menaces” poursuit Elisabeth Geffroy.

15- “La société liquide attend que les individus réagissent rapidement et sans réserve au charme des marchandises” explique Elisabeth Geffroy. Elle s’attaque notamment aux enfants, nouvelle cible privilégiée des choix de consommations, y compris ceux des parents.

16- Dans la société liquide, le corps est placé au centre de toutes les attentions. Hissé au rang de valeur ultime il devient une fin en soi : ”Il doit être performant dans son nouveau rôle d’outil de fabrication de sensations agréables”. Cette nouvelle fonction crée une anxiété permanente et renouvelée que le marché s’empare de satisfaire.

17- Le concept de “forme” particulièrement flou et indéfinissable a donc remplacé celui de santé….La forme peut toujours être améliorée. Il n’y a pas de limite possible à l’acquisition de la forme…

18- Dans le consumérisme les mots d’ordres sont vitesse, excès et déchets. Il faut réduire au maximum le délai qui sépare l’utilité d’un bien de son inutilité. Sa désirabilité de son rejet. “Pour le consommateur la mise au rebut des choses est une promesse de rajeunissem*nt” ajoute Elisabeth Geffroy. Le déchet est le produit de base le plus répandu de la consommation liquide.

Le défi ultime de la société liquide étant d’échapper à la menace d’être soi même un déchet. Dans la vie liquide les ascensions et les chutes se provoquent sans crier gare…

19- La marché envahit désormais tous les domaines de l’existence à commencer par celui des relations humaines. Comme l’ont montré les sites de rencontres, chacun devient désormais une marchandise commercialisable capable d’exister sur un marché.

20- L’éphémère et le désengagement régissent les relations humaines. Quand une relation n’atteint pas un certain degré de satisfaction elle est donc simplement rompue. (cf. les Kits de Divorce).

21- Lutter contre sa mise au rebut c’est augmenter en permanence sa valeur marchande. Les réseaux sociaux comme les applications de dating relèguent les individus comme des objets valorisables sur un marché.

22- Dans ce nouveau “marketing de la personne” chacun déploie de nouvelles stratégie de management de l’identité.

23- La vie liquide exige que l’on remanie régulièrement son identité, ce que réalisent les élites avec plaisir et aisance en fonction des modes et des rencontres culturelles.

“Cette nouvelle non-fixité est appelée liberté par ceux qui l’apprécient”. Mais cette hybridation n’est pas disponible pour ceux qui n’ont pas accès au “Supermarché des identités.”

24- “Pour les élites l’identité est un passeport pour la liberté. Pour les gens du coin l’identité devient un instrument de défense contre les aventuriers” ajoute la philosophe

25- Cette injonction à la liberté et à ce devoir d’être unique a un prix, elle s’achète et constitue un privilège qui s’établit au détriment des classes les plus défavorisées et souvent avec des empreintes écologiques massives et disproportionnées.

Voir la Conférence sur la société liquide :

La société liquide - Umanz (2024)

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